Partie 1 : Moi Moussa porteur de sacs de riz…
Je souhaite tout d’abord me présenter: je m’appelle Moussa Tchantchuing, je vis en France en banlieue parisienne et je travaille pour une ONG française aux valeurs islamiques. Celle-ci est humanitairement engagée et elle milite également pour les droits de l’homme. Quant à moi, j’occupe le poste de Chef de projet sur le continent asiatique…
Dans le cadre de mon travail, j’ai été amené à voyager à quatre reprises en Birmanie et une seule fois au Bangladesh afin de venir en aide aux populations réfugiées Rohingyas. Mon premier voyage avait pour but d’aller à la rencontre de nos frères Rohingyas afin de récolter des témoignages mais aussi afin de pouvoir leur apporter assistance à travers des aides alimentaires. Hélas, je me suis vite rendu compte que leur apporter des sacs de riz n’allait pas arranger la situation. Au contraire, le risque serait de les rendre dépendants de cette aide pourtant si dérisoire à nos yeux. Or, ce soutien alimentaire semble suffisant pour leur permettre de survivre.
A quoi bon vivre dans une prison à ciel ouvert sans accès aux soins, sans pouvoir quitter son quartier encerclé par des militaires armés, sans pouvoir visiter sa famille, sans le droit à l’éducation ? Seule la foi permet de tenir dans ce genre de situation, et souvent lorsque je rencontre ces Hommes de foi, je m’interroge moi-même en me demandant combien de temps aurais-je tenu à leur place … ?
“J’ai entendu plusieurs cris de détresse, des larmes de souffrances, qui retentissent jusqu’à ce jour dans mon esprit.”
Durant ce voyage à la découverte d’un peuple éprouvé, deux scènes m’auront particulièrement marqué. D’une part, c’est le fait que ce peuple soit tant oublié par le monde mais pourtant l’injustice qu’ils subissent est connue de tous. Il n’y a qu’à prêter attention à toutes les tentatives de mise en garde formulées par le rapporteur de l’ONU tant la situation des Rohingyas en Birmanie est déplorable. En effet, il a même précisé que ce peuple subissait un nettoyage ethnique et qu’il s’agissait même de l’une des minorités des plus persécutées au monde…Rien que ça !
Par la grâce d’Allah, malgré tous ces moments de tristesse vécus, un rayon de soleil a illuminé l’un de mes séjours. En effet, j’ai pu assister à la naissance d’une magnifique petite fille dans ces camps de fortune, lieux dont les conditions de vies sont inhumaines.
On ne peut que déplorer l’horreur qui règne et on ne peut imaginer que ce genre de chose puisse se produire sur terre. 10m2 avec 7 enfants à charge, le courage d’une mère est inouïe. C’est là que j’ai appris que c’est dans les moments difficiles que l’on puise des ressources inestimables. Pour témoigner de la miséricorde de leur ethnie, cette maman m’a laissé choisir le prénom sa fille (Fatima Meryem). Mais à notre départ, j’étais très inquiet quant à l’avenir de cette petite perle et de cette famille nombreuse démunie. Je ne pouvais que les laisser avec un peu d’argent en nourrissant l’espoir d’un toute autre avenir, loin de ces camps…
Quand je suis revenu pour la quatrième fois en Birmanie, j’étais très enthousiaste à l’idée de revoir cette lueur espoir qu’Allah m’avait offert. Malheureusement, la réalité fut toute autre, sa mère m’attendait afin de m’annoncer une bien triste nouvelle. Sa fille avait rendu l’âme quelques mois après que je l’ai quitté à la suite de maladies ou de faim, elle n’a pas su nous expliquer ce qui avait provoqué sa mort. Elle n’avait aucun moyen de le savoir tant sa détresse est immense et tant les manques sont grands.
Parmi tous ces hommes et femmes qui m’ont supplié de transmettre leurs souffrances au monde entier, je retiens un témoignage. Il s’appelle Shomsho Alo, il semblait avoir le cœur lourd lors de son témoignage. Il ne pouvait retenir ses larmes lorsqu’il racontait toute l’injustice qu’il subissait. L’impuissance se lisait sur son visage car ils ont été dépourvus de leur dignité. De plus, il faut savoir que lorsque les bouddhistes le souhaitent, ils pénètrent dans les camps afin de tuer des musulmans en toute impunité.
Malheureusement lors de mon dernier voyage, j’ai appris la mort de Shomsho Alo par sa femme et sa fille devenue orpheline. Le récit qui m’a été conté est éprouvant à entendre mais je ne peux laisser l’injustice à l’état de silence. La police est venue un beau jour et a pénétré dans le cyber-café qu’il avait pour habitude de fréquenter, puis ils lui ont tiré une balle en pleine tête.
Être témoin de toutes ces histoires est dur à vivre pour moi, j’ai un poids sur les épaules que je me dois de partager avec ma communauté.
Dans mon prochain billet, je vous parlerai de l’exil de ce peuple oublié de presque tous.
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Auteur
Moussa Tchantchuing – Chef mission Asie
Être humanitairement engagé, plus qu’une devise, un vrai état d’esprit
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