Partie 2 : L’exil ou le début d’un autre calvaire
Comme mentionné dans mon précédent billet, je vous parlais de mon voyage au Bangladesh pour voir jusqu’où pouvait aller le calvaire de nos frères Rohingyas. Je n’étais pas au bout de mes peines lorsque j’ai constaté l’accueil réservé par le gouvernement Bengali à nos frères Rohingyas.
Je me dois de vous citer ces injustices et ces quelques preuves qui témoignent que dans cette partie du monde, règne le plus grand des chaos. A ce jour, on recense plusieurs viols de fillettes commis par des passants en toute impunité. Commerce sexuel, trafic d’enfants,
travaux forcés payés deux fois moins que les locaux, voilà le triste sort réservé aux Rohingya. Entendre ces histoires est une chose mais les vivre en est une autre.Pour me rendre dans ces camps illégaux et interdits aux touristes ou ONG, j’ai dû avec l’aide de mon équipe, outrepasser plusieurs checkpoints militaires avant de me retrouver nez à nez face à la misère. Livrées à eux-mêmes et sans l’ assistance des ONG internationales, les Rohingyas ont recours à la débrouille pour survivre. Cependant, ce chemin mène souvent à l’interdit et la plupart des réfugiés ce sont mis à vendre de la drogue. Au regard de la situation qui se dégrade de jour en jour, les rappels des imams émis au sein des mosquées clandestines ont du mal à faire le poids face à la pauvreté grandissante..
Toutefois, je tiens à témoigner de la force de la foi des gens que j’ai pu rencontrer, beaucoup ont accepté cette vie de lutte, tandis que d’autres se demandent quand le calvaire prendra fin ? Moi, je me demande comment un conflit peut-il s’arrêter lorsque le monde entier ferme les yeux volontairement. Et puis, nous avons bel et bien touché le fond avec une nouvelle forme de discrimination : la stigmatisation des souffrances. Nous nous mettons à choisir quel peuple allons nous défendre au profit d’un autre et ce, par préférence, par origine ou appartenance. Or, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes!
Par illustration, lorsque quelques réfugiés parviennent à s’extraire de cette spirale infernale en quittant le continent asiatique pour l’occident, ils doivent par la suite entamer une autre bataille, celle de prouver aux gouvernements qui accordent l’asile politique qu’ils sont bien Rohingyas. Et ici commence un long combat ! Sans papiers et ayant vécu toute leur vie à vagabonder de cabanes en cabane, leurs légitimité est mise en péril et d’autant plus à cause des Bengali qui se font également passer pour eux.
D’ailleurs, en parlant du Bangladesh je devais y retourner cet hiver avec un expatrié Rohingyas qui a su refaire sa vie en Arabie Saoudite en compagnie d’autres ressortissants. Dès lors, ils ont eu l’initiative de monter une association locale pour avant tout faire entendre la voix de leur peuple à l’étranger. Partis de rien, aujourd’hui ils ont fait reconnaitre de manière officielle, la présence de 400 000 Rohingyas à l’état Saoudien. Ainsi, ils bénéficient de droits avantageux par rapport aux autres étrangers. Un bel exemple de courage et de solidarité. C’est donc une voix qu’ils ont réussi à faire entendre localement!
Maintenant l’humanitaire devait parler, et c’est à ce moment précis que je rentre en scène. Je rencontre alors le vice-président en Hollande afin d’établir un partenariat de principe sur nos futures actions. Nous arrivons à tomber sur un accord de principe. Le rendez-vous au Bangladesh est pris, le vice-président décide d’aller en mission repérage peu avant l’hiver, sauf qu’arrivé sur place, les autorités locales avaient un tout un autre plan pour lui. En effet, le discours politique du moment se base sur l’idée que les Rohingyas tendent à se radicaliser vers le terrorisme. Ils n’ont trouvé de bouc émissaire que la personne qui s’est battue toute sa vie pour la liberté des Rohingyas ! Ils n’ont pas hésité à le jeter en prison pour terrorisme sans motif, sans preuves, sans jugement. Ne parlons pas des droits de l’homme! Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai pensé à moi-même, car si j’avais été avec lui ce jour-là, j’aurais subi le même sort, car ces deux collègues sont emprisonnés avec lui dans les geôles bengalaises.
Tout ça pour vous dire qu’au-delà de leurs souffrances, la difficulté de les approcher et de leur porter secours, rend l’histoire encore plus triste. On cherche à éteindre, à décimer ce peuple. Oui les Rohingyas sont en voie d’extinction ! Alors, que puis-je peux faire à mon niveau, à ma petite échelle de musulman qui a vu tant d’injustices ? J’ai pu parler avec différents interlocuteurs de défense de droits de l’homme, des activistes, des militants et tous ont émis le même constat face à cette situation tragique… Mais si j’ai bien compris une chose, c’est tant que les politiques n’y prêteront pas attention, les Rohingyas pourront pleurer toute les larmes de leurs corps, leurs sort sera difficilement changés. C’est pour cela que je m’en remets au Créateur qui nous a créés, façonnés pour une vie de lutte acharnée et ce, afin de nous éprouver pour savoir qui de nous a réellement la foi.
La foi est l’essence de la vie. Que serions-nous sans elle ? Juste des orphelins… Elle nous permet de surmonter bien des peines et bien des épreuves… A chaque voyage, je me considère en apprentissage auprès de ces démunis d’apparence mais tellement riches de l’intérieur. Si seulement ils savaient à quel point leur foi est solide et précieuse. Quel paradoxe tout de même, je repense encore à ces moments où je traversais ces à un peuple qui l’a perdu depuis des années. Ils me voient tel un sauveur, moi l’inconnu qui est simplement venu apporter des sacs de riz. Pour eux je suis l’incarnation du mot « espoir », leur foi est liée à la mienne, c’est fou comme le destin fait les choses, car ils fondent de l’espoir en moi et moi j’ai besoin de voir, être témoin de ces expériences pour entretenir et raffermir ma foi.
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Auteur
Moussa Tchantchuing – Chef mission Asie
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